Quarante ans plus tard, mon Alberg 30 est toujours le bateau idéal
À
l’été 1973, je faisais l’acquisition d’un petit bateau, le 399ième
exemplaire de la série Alberg 30, bâti en 1967 ou 68 à Whitby, sur le
lac Ontario. Je l’ai nommé Jean-du-Sud, d’après la chanson que
Gilles Vigneault a composée pour rendre hommage à son père, «qui était
pêcheur de son état», naviguait tout seul et «faisait la contrebande des
horizons de paradis lointains». Je n’ai pas mesuré la longueur du
sillage qu’il a tracé, mais illustré sur une carte, on peut constater
que mon bateau a bien navigué.
.Comme
je suis assez «patenteux», j’ai dès le début
tenté d’améliorer le gréement et la façon de manœuvrer mon bateau.
Voici en gros les modifications et améliorations que j’y ai apportées en
quarante années de navigation.
Régulateur d’allure
Dès le premier automne, j’ai
décidé de l’emmener vers les Antilles et comme je n’apprécie pas être
rivé à la barre, l’ai équipé d’un régulateur d’allure. J’en avais déjà
bâti un pour mon premier bateau, un Olympic Star de 24’, avec lequel
j’avais effectué ma première traversée en solo de Percé aux Îles de la
Madeleine et possédais une certaine expérience en la matière.
Jean-du-Sud étant équipé d’une barre à roue, j’ai bricolé un safran
auxiliaire contrôlé par un aérien à axe horizontal. Ce régulateur a
barré pendant plusieurs traversées vers Antilles et une de l’Atlantique.
Mais bien qu’il maintenait le cap de façon à peu près satisfaisante,
je voyais de nombreuses améliorations à y apporter et avant
d’entreprendre mon grand voyage autour du monde par l’océan austral et
le cap Horn, j’en ai dessiné et fait fabriquer un troisième que j’ai
testé pendant ce voyage. Comme en 28 000 milles, je n’ai jamais barré,
j’ai considéré que je pouvais sans complexe l’offrir à mes collègues
plaisanciers, et c’est maintenant devenu mon gagne-pain.
Gréement
Le mât d’origine de l’Alberg 30
n’était pas conçu pour résister à un chavirage, un accident très
probable si on désire mener un si petit bateau dans l’océan austral.
J’ai donc décidé d’équiper mon bateau d’un mât plus costaud, à deux
étages de barres de flèche au lieu d’un, supporté par un gréement
surdimensionné que je croyais à l’épreuve des chavirages. Mais j’ai
commis deux erreurs. Un mât beaucoup plus costaud impose une poussée
beaucoup plus importante sur son emplanture ; le mât d’origine était
posé sur le pont, mais pour permettre le passage vers le poste avant, il
était en porte à faux, supporté par une poutre horizontale faite de bois
laminé reliant les deux côtés de la cloison. Suite au premier
knock-down dans la mer de Tasmanie, cette poutre s’est délaminée et le
pont s’est affaissée d’un bon centimètre, donnant du mou aux haubans.
J’ai dû m’arrêter en Nouvelle-Zélande pour renforcer cette poutre par
une pièce de bois massive, doublée d’une épontille amovible que je
mettais en place lorsqu’il y avait danger de chavirage.
Les
haubans d’origine étaient en quart de pouce
(6,4mm) et je les ai remplacées par du câble de 7 mm. Les cadènes de
bas-haubans étaient fixées à la coque à l’aide de 3 boulons chacune de
un quart de pouce. J’avais jugé que ces trois boulons travaillant en
cisaillement étaient équivalents à la charge de rupture du câble de 7
mm, mais je me suis gravement trompé, au moment du chavirage dans
l’océan Pacifique, les boulons des deux bas-haubans ont été cisaillés et
le mât a cassé au capelage des bas-haubans ; c’était ma seconde erreur.
J’avais pu trouver à très bon
compte un profilé de mât d’un échantillonnage supérieur à celui du mât
d’origine. Le chantier où j’ai préparé Jean-du-Sud fabriquait des
dériveurs en aluminium et j’ai pu me servir des chutes de métal pour
fabriquer les ferrures de pied, de tête et de barres de flèche,
rappelant au soudeur que si le mât allait dans l’eau, j’aurais une
pensée pour lui.
J’avais bâti la ferrure de tête
de mât en prévision de pouvoir gréer deux étais en parallèle. Je n’ai
pas profité de cette possibilité pendant le tour du monde mais après mon
retour, j’ai fait l’acquisition d’un enrouleur et tenté cette
expérience : j’ai installé l’enrouleur d’un bord, avec un autre étai à
côté, sur lequel je pouvais endrailler un foc plus petit ou un reacher
plus grand. Cet arrangement a si bien fonctionné qu’il est devenu
permanent et je le recommande à tous ceux qui naviguent au large.
L’inconvénient habituel du double étai est que ni l’un ni l’autre ne
peut être suffisamment tendu, alors je mollis le ridoir de l’étai qui
sert le moins, quitte à reprendre quelques tours lorsque je dois naviguer près du vent.
J’ai
deux génois qui peuvent tous deux être montés sur l’enrouleur. A la
place d’une ralingue, j’ai installé des coulisseaux qui s’insèrent dans
la gorge de l’enrouleur. Si la saison (ou la traversée) est plutôt
ventée, je monte le petit génois sur l’enrouleur. L’autre est endraillé
sur l’étai, les mousquetons remplacés par des attaches de nylon (tie-wrap)
prévues à l’origine pour relier des couettes de fils électriques (idée
piquée à un coureur américain). Lorsque j’ai remplacé la grand-voile
sans latte utilisée pour le tour du monde par une entièrement lattée, sa
chemise est devenue trop petite, alors je l’ai recyclée pour qu’elle
recouvre le foc endraillé, qui demeure ferlé sur la filière du haut.
S’il faut envoyer une autre voile sur cet étai, il est facile de l’endrailler
par-dessus l’autre.
J’ai toujours l’étai de
trinquette amovible sur lequel je peux hisser un petit foc de fort
grammage avec une bande de ris qui lui permet de servir de tourmentin.
Je n’utilise les bastaques que lorsque j’envoie une voile sur cet étai.
Ainsi gréé, mon bateau garde les avantages de l’enrouleur de foc, tout
en laissant toutes les autres options possibles. C’est comme porter une
ceinture et des bretelles. Un reacher en nylon et un spi (symétrique,
avec chaussette), complètent la garde-robe.
Prise de ris
À l’époque où mon bateau a été
dessiné et construit, on en était à la mode des bômes à rouleau. Une
manivelle et un engrenage derrière le vit de mulet permettait de faire
pivoter la bôme sur elle-même en enroulant la voile autour de celle-ci.
Je n’ai jamais compris comment cette mode avait pu durer plus d’une
décennie tant la prise de ris était inefficace. Bien sûr, en enroulant
la voile autour de la bôme on pouvait en réduire la surface, mais à
mesure que la voile s’enroulait, elle devenait de plus en plus creuse,
au point où il n’était plus possible de remonter au vent, à moins de
fourrer des serviettes ou des sacs de voile le long de la bôme pour
absorber le creux. En larguant les tours de rouleau, il fallait faire
bien attention de récupérer ce qu’on avait mis le long de la bôme, sous
peine de les voir partir au vent. Avant d’entreprendre ma première
traversée au large, j’avais fait coudre dans la grand voile une bande de
ris à la hauteur du deuxième ris, me disant que s’il fallait réduire un
peu, quelques tours de rouleau pourraient suffire, mais s’il fallait
réduire davantage, je pourrais prendre un ris de la façon traditionnelle
; s’il fallait réduire encore plus, je pourrais rouler la voile au-delà
de ce ris. Mais j’ai vite compris que cette solution n’était qu’un
pis-aller et j’ai bientôt condamné définitivement la bôme à rouleau et
fait coudre une bande de ris au niveau du premier ris et une autre
au-dessus, pour un troisième.
La
façon traditionnelle de prendre un ris est de fixer un violon sur le
côté de la bôme à l’aplomb de la cosse d’empointure de chaque ris et de
gréer une bosse qui part de ce violon, passe au travers de la cosse et
redescend vers le réa du violon pour aller à l’avant, vers un palan ou
un winch sur la bôme. Mais cette technique a un grave défaut : il faut
venir bout au vent pour prendre un ris, sinon la voile poche sous le
vent et la bosse de ris ne travaille plus dans l’axe du réa fixé sur le
côté de la bôme, de sorte qu’il devient beaucoup plus difficile de la
border. Lorsque j’ai refait le gréement de Jean-du-Sud avant de
le mener dans les quarantièmes, j’avais renvoyé la drisse de grand voile
et les bosses des deux premiers ris au cockpit. Comme la mer souvent
grosse interdisait de venir bout au vent, j’ai beaucoup pesté contre
cette méthode et une fois revenu, trouvé une façon de l’améliorer : au
lieu de revenir vers le violon de ris le long de la bôme, la bosse, qui
part d’un pontet à l’aplomb de la cosse d’empointure, revient vers une
poulie à émerillon fixée en bout de bôme avant de revenir vers
l’avant. Ainsi, au vent arrière, même si la voile poche sous le vent,
l’émerillon permet à la poulie de s’orienter dans le sens de la bosse et
il est beaucoup plus facile de la raidir, même à la main, sans l’aide
d’un winch.
On
a depuis imaginé des systèmes qui permettent d’abaisser le point d’amure
et le point d’écoute à l’aide du même bout, mais je trouve beaucoup plus
facile d’en utiliser deux, un plus léger pour le point d’amure, l’autre
plus costaud pour le point d’écoute. Pour rendre la prise de ris encore
plus facile, j’affale la voile plus qu’il ne le faut, et re-hisse après
la prise de ris. Naturellement, lorsque j’avais refait le gréement de
mon bateau, je m’étais assuré que le rail sur le mât permette aux
coulisseaux de descendre jusqu’au vit de mulet et prévu un jack-line
pour leur donner du mou lorsque le guindant n’est plus tendu. Deux
poulies en bout de bôme permettent de prendre deux ris depuis le cockpit
; j’ai percé une fente qui permet à la bosse de revenir à l’intérieur de
la bôme, pour en ressortir au niveau du vit de mulet. S’il faut prendre
un troisième ris, j’affale la voile presque complètement et la re-hisse
une fois le ris pris.
Capote et cagnards
Soucieux
de mon confort, je voulais une capote qui puisse résister à un
chavirage. Au lieu de tube inox, la structure de ma capote est faite de
tuyau d’incendie de 50 mm, dans lequel j'ai inséré une chambre à air de
vélo ; gonflé d’air, l'arceau est rigide, mais frappé par un paquet de
mer, il s’écrase et reprend sa place aussitôt l’eau écoulée. Les tuyaux
sont bouchés aux deux bouts par un embout en pvc serré par des colliers
de serrage. Une valve de pneu boulonnée en place permet de le gonfler
(une fois par année) et après plus de trente ans, la structure est
toujours étanche.
J’ai gréé des cagnards dans les
filières et le balcon arrière. Plutôt que sur la filière du haut, je
les ai transfilés sur la filière du milieu, ce qui permet de ne garder
que le bas, améliorant l’apparence sur un bateau avec un faible
franc-bord. Lorsque le besoin s’en fait sentir, il est toutefois
possible de dérouler la partie du haut, ou d'effacer complètement le
cagnard en roulant les deux parties sur elles-mêmes. Le cagnard est
retenu vers le bas par des sandows, ce qui évite les déchirures
lorsqu’on l’accroche avec le pied ou embarque un paquet de mer. A mon
sens, cet investissement dans la toile améliore davantage le confort que
bien des gadgets beaucoup plus chers.
Remorque et moteur hors-bord
Comme je désirais faire le
voyage sans escale, il a fallu faire une
impitoyable chasse au poids
inutile
et le moteur a été le premier à passer par-dessus bord. Une fois
revenu, j’ai dû naviguer une dizaine d’années sans moteur, un long
aviron en tenant lieu. Celui-ci ne servait pas tellement à la
propulsion, mais il me permettait de m’assurer, lorsque je relevais
l’ancre, que le bateau prenne le vent du bord qui mène au large plutôt
qu’à terre. L'aviron permettait aussi de maintenir l’erre jusqu’à un
ponton en godillant, après avoir affalé les voiles. Mais par calme plat,
s’il fallait rejoindre un port, je faisais plutôt appel au vieux Seagull
du Zodiac amarrée sur la hanche, qui donnait au bateau une vitesse de
trois nœuds.
A naviguer ainsi sans moteur,
j’ai constaté que j’allais moins loin dans un temps donné, mais je
n’avais pas moins de plaisir. Toutefois, après plusieurs années de
navigation entre Gaspé et Ottawa, j’avais épuisé les destinations de
croisière que je pouvais atteindre sans moteur. Il a fallu songer à re-motoriser
mon bateau. Mais comme j’ai une certaine propension à remettre en
question les idées reçues, je ne croyais pas qu’un moteur à l’intérieur
du bateau soit la meilleure solution. Un des membres de l’association
Alberg 30 m’avait conté qu’il avait fait faire une remorque pour son
bateau et l’avait remorqué sans problème depuis Toronto jusqu’à Newport
pour participer à la course «Bermuda One-Two». Cela m’a fait réfléchir :
il me semblait que la meilleure solution ne serait pas de remettre un
moteur à l’intérieur de mon bateau, mais d’avoir celui-ci devant, dans
un véhicule, avec le bateau sur une remorque. Cela me permettrait une
vitesse d’une quarantaine de nœuds sur la route, par opposition aux six
ou sept nœuds dans l’eau d’un moteur à l’intérieur du bateau, m’ouvrant
un bien plus grand nombre de plans d’eau.
Mais cela ne solutionnerait pas
le problème des entrées de port et du calme plat. Je me suis alors
inspiré d’un autre ami qui avait remplacé l’Atomic Four de son Grampian
29 par un hors-bord de 9.9 ch. sans en voir diminuer la vitesse de façon
appréciable. Je ne voulais toutefois pas de la chaise conventionnelle
boulonnée au tableau, celui-ci étant réservé au régulateur d’allure
CapHorn. Il aurait été possible de retenir la solution adoptée sur mon
précédent bateau et d’installer le moteur dans un puits dans le
coqueron, celui de l’Alberg 30 offrant l’espace nécessaire. Mais après y
avoir longuement réfléchi, je n’ai pas retenu cette solution pour deux
raisons : d’abord le coqueron de mon bateau est un des quatre
compartiments étanches qui pourrait empêcher mon bateau de couler dans
le cas d’une voie d’eau et je ne voulais pas perdre cette assurance.
Ensuite, la traînée imposée par le pied du moteur lorsqu’on navigue à la
voile n’est pas négligeable ; pour éviter cette traînée, il faudrait
sortir complètement le moteur à chaque fois. Cela serait possible au
début d’une traversée d’océan, mais en croisière côtière, le moteur sert
trop souvent pour que cela soit acceptable.
Après
quelque expérimentation, en me servant de l’outillage et des matériaux
que j’utilise régulièrement dans la fabrication des régulateurs d’allure
CapHorn, j’ai pu fabriquer un support de moteur placé sur la hanche
bâbord qui permet, en pivotant au niveau du pont, à un moteur de 9,9 ch.
à arbre long de monter et descendre. En position haute, le moteur se
confond avec le cagnard dans le balcon arrière et ressemble à tout
honnête moteur d’annexe rangé sur le balcon. En position basse, il
pousse mon bateau à une vitesse de 5,5 nœuds, autant qu’il en faut pour
le déplacer par temps calme, ou même remonter un vent debout de force
moyenne. Seul inconvénient : par forte houle, il arrive que l’hélice
sorte de l’eau, alors il faut parfois réduire la vitesse pour éviter que
le moteur ne s’emballe. J’utilise hors-bord depuis maintenant une
quinzaine d’années et n’ai aucune intention de remettre un moteur à
l’intérieur.
Ce support, en forme de
manivelle, pivote à l’intérieur d’un tube d’une trentaine de centimètres
de longueur posé au-dessus du liston et boulonné à ses deux extrémités à
travers le pont. Le moteur est monté sur une plaque qui pivote autour de
l’autre extrémité de la manivelle et sur laquelle est soudé un fort tube
diagonal qui absorbe la poussée du moteur et le maintient à la
verticale. Lorsque le moteur monte ou descend, l’extrémité avant du tube
diagonal coulisse le long d’un petit tube horizontal, long d’une
quarantaine de centimètres, dont l’extrémité avant s’appuie sur un
chandelier, et l’extrémité arrière est boulonnée au pont. Un petit palan
à quatre brins me permet de hisser le moteur avec un minimum d’effort.
Matérialiser
une remorque et un véhicule pour la tirer a demandé un peu de temps : il
a fallu attendre que les ventes du régulateur d’allure Cap Horn, mis sur
le marché quelques années plus tôt, rapportent suffisamment pour en
générer le coût. J’ai trouvé d’occasion une très solide remorque à
trois essieux en lançant un appel à la CONAM. Le bateau et la remorque
doivent ensemble atteindre les cinq tonnes et bien que cela dépasse le
poids théorique que puisse tracter ce genre de véhicule, j’ai fait
l’acquisition d’un GMC Suburban équipé des équipements nécessaire pour
tracter. Le coût total de la remorque, du véhicule et du moteur
hors-bord n’a probablement pas dépassé celui d’un moteur diesel neuf et
de son installation. J’en suis maintenant à mon second Suburban, le
premier étant mort d’ennui et surtout de rouille pendant les huit années
que Jean-du-Sud a passées en Europe.
Bien
que l’Alberg 30 dépasse de trois pouces la largeur maximum admise sur la
route sans permis spécial (fixée à 8 pi. 6 po.), je n’ai jamais été
inquiété par les forces de l’ordre. Comme la remorque ne fait que 8
pieds de largeur, les trois pouces en trop du bateau passent
inaperçus.
Mâtage
Les essieux et les freins de la
remorque n’étant pas étanches, pour charger le bateau sur sa remorque ou
le mettre à l’eau, je fais appel à un triqueballe (travel lift). Par
contre, je puis faire l’économie de la grue pour le mâter, qui coûte
souvent aussi cher que la mise à l’eau.
Dans
une revue de yachting américaine, j’avais découvert cette technique
utilisée en Hollande où les ponts sont nombreux, et qui permet de mâter
à l'aide du tangon de spi et de quelques autres aménagements prévus à
l'avance : une ferrure de pied de mât pivotante, une articulation dans
les galhaubans exactement dans le prolongement de l'axe de cette
ferrure et enfin un fort pontet fixé au pied du mât, sur sa face avant,
pour recevoir un des embouts du tangon.
Sur le pont, le mât repose
sur deux supports garnis de rouleaux à leur sommet, l’un derrière
l’emplanture, l’autre sur le couronnement ; ces rouleaux permettent de
déplacer le mât vers l’arrière jusqu’à ce que le pied du mât se retrouve
au-dessus de l'emplanture et que l'axe de la ferrure puisse être glissé
en place.
Le tangon, posé verticalement à
la base du mât, est retenu vers l'arrière par la drisse de trinquette et
dans le plan latéral par deux câbles faisant office de haubans, frappés
de chaque bord sur l'articulation des galhaubans. Les galhaubans sont
eux-mêmes frappés à leur cadène. Les deux ensembles mât/galhaubans et
tangon/haubans forment ainsi deux triangles isocèles qui peuvent pivoter
autour d'une base commune, matérialisée par l'axe du pied de mât et
l'articulation des galhaubans.
Pour
amener le mât à la verticale, il suffit de tirer sur le tangon, à l'aide
d'un palan frappé à la ferrure d'étrave et dont le garant est renvoyé
vers l'arrière pour s'enrouler autour d'un winch. La puissance combinée
du winch et du palan - j'utilise l'écoute de grand-voile, à quatre brins
-, permet d'amener le mât à la verticale sans déployer trop d'effort.
Depuis que j’ai ajouté un guindeau électrique, mâter est encore plus
facile, la drisse s’enroulant autour de la poupée du guindeau. J'ai
utilisé ce système des douzaines de fois pour mâter ou démâter à chaque
fois que je désire remorquer le bateau.
Électricité et électronique
Il fut un
temps où un panneau solaire était le moyen le plus cher de produire de
l’électricité. Ce n’est heureusement plus le cas et avec deux panneaux,
un à l’arrière, l’autre sur le pont, Jean-du-Sud est
auto-suffisant, malgré son frigo électrique et l’ordinateur utilisé tous
les jours pour la navigation et les communications. Pour bonne mesure,
je dispose aussi d’une éolienne et j’ai toujours l’hydro-alternateur,
entraîné par une hélice remorquée derrière le bateau, que j’avais
utilisé autour du monde et que j’utilise encore en traversée pour
alimenter le radar utilisé en mode veille. Je me suis offert ce radar
pour mon soixantième anniversaire, après une première croisière dans le
Maine. Pour mon soixante-dixième, c’était un guindeau électrique que
j’apprécie grandement. J’ai récemment gréé une antenne WIFI en tête de
mât qui permet la connexion avec un réseau non sécurisé dans la plupart
des ports. Un sondeur-loch complète l’équipement électronique.
Mouillage
A l’époque où je naviguais sans
moteur, j’avais découvert qu’il était beaucoup plus facile et tout aussi
sécuritaire de mouiller deux ancres plutôt légères qu’une seule, plus
lourde. Maintenant que je dispose d’un guindeau électrique, le problème
ne se pose plus, mais j’ai toujours deux ancres en permanence à
l’étrave, une Delta avec 50 pieds de chaîne de 5/16" et 200 pieds de
nylon 5/8" une Fortress avec 12 pieds de chaîne 1/4" et 200’ de nylon
1/2". Dès qu’il vente de façon significative, je mouille les deux
ancres
J’ai
aussi pris l’habitude d’oringuer mes ancres. L’orin et son flotteur
sont frappés en permanence sur le diamant de l’ancre ; la longueur de
l’orin est tout juste inférieure à la distance entre le davier et
l’hélice du moteur, soit environ 25 pieds, ce qui évite de prendre
l’orin dans l’hélice s’il faut avancer au moteur une fois l’ancre au
davier, avant d’avoir pu embarquer l’orin. De toute façon, il est rare
que je mouille dans plus de 25 pieds d’eau.
En
plus d’indiquer en permanence leur position, l’orin permet, lorsque je
suis mouillé sur deux ancres et que le vent ayant tourné, il faut en
déplacer une, de simplement venir avec l’annexe saisir l’orin et
remorquer l’ancre sur le fond par le diamant pour l’emmener à l’endroit
voulu, sans avoir à la relever. Même dans une brise modérée, j’arrive
avec le petit moteur de 3,3 hp, à déplacer mon
bateau en le remorquant par son ancre.
Annexe
Au
cours de ces dernières années, j’ai également découvert l’annexe idéale
pour mon bateau. La première était pneumatique, un Zodiac dont la
moitié avant pouvait se dégonfler et se
replier, ce qui permettait de la ranger sur le rouf, entre la capote et
le mât. Elle disposait d’une bouteille de CO2 qui lui
permettait de faire aussi office de canot de survie. Elle m’a bien
servi durant plus d’un quart de siècle, mais a fini par mourir de sa
belle mort. Pour la remplacer, j’avais demandé à mon ami René Delahaye
de me fabriquer une annexe rigide en contreplaqué sur le plan du
«Canadian Sabot», selon la technique du «Stitch and Glue».
Cette
annexe était presque parfaite, se remorquant facilement, allant aussi
facilement à la rame qu’à la godille et même à la voile avec un gréement
d’Optimist ; elle pouvait se ranger sur le pont avant, mais avait un
grave défaut : en prenant presque toute la place, elle rendait la
manœuvre des voiles d’avant périlleuse. En 2001, au moment de
retraverser l’Atlantique, aux Îles de la Madeleine, je l’avais échangée
contre un pneumatique Avon doté de bouteilles de CO2 que
possédait mon ami Alain Arsenault. Mais une fois revenu, j’ai demandé à
René de m’en refaire une identique, mais en déplaçant le puits de dérive
d’environ 2 pouces vers l’avant, ce qui permet de la couper en deux et
de la ranger sur le pont, la
partie arrière recouvrant l’avant, mais tout en laissant suffisamment
d’espace pour manœuvrer les voiles d’avant ou les ancres.
L’arrière de mon bateau est trop étroit pour gréer des bossoirs, alors
lorsque je navigue à moteur ou lorsque la mer est modérée, je la hisse
et la plaque sur la hanche, au-dessus de l’eau.
Une
annexe doit souvent être transportée sur la terre ferme et cette année,
j’ai eu l’idée de fixer une roue dans le puits de dérive, ce qui permet
de la transporter sans effort comme une brouette, en
utilisant les rames en guise de poignée.
Cette
annexe est doublée par deux vélos pliants, qui tiennent tous deux dans
le même coffre de cockpit. À mon sens, ces vélos sont une partie
essentielle de l’armement de Jean-du-Sud et augmentent considérablement le plaisir de l’escale en
facilitant les courses ou le tourisme.
De
nos jours, un voilier de 30 pieds est considéré petit, mais à l’époque
où je l’ai acheté, il faisait partie des grands. Quarante ans plus
tard, j’ai acquis la conviction que pour moi, Jean-du-Sud est le
bateau parfait : assez marin pour aller jouer dans l’océan austral et
virer le Horn, mais assez petit pour être mis sur une remorque et emmené
par la route vers le plan d’eau où je désire naviguer. Quoi qu’il en
soit, un bateau est toujours trop petit, quelle que soit sa taille.
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