Article  publié dans la Revue maritime l'Escale, No. 35, automne 2002
et en anglais, dans Blue Water Sailing, Juin 2003

Du sac du facteur
à Jean-du-Sud

Céline Lacerte traverse l’Atlantique-Nord
des Iles de la Madeleine à l’Irlande
en compagnie de son mari Yves Gélinas

T

raverser un océan sur un petit voilier ne figurait pas parmi mes rêves d’enfance, d’adolescence ni même d’adulte. C’est à travers mon histoire d’amour que cette voie s’est lentement tracée. Avant de m’aventurer sur ce vaste océan, j’avais comme bagage une dizaine d’années de navigation côtière à raison de quatre semaines par été. Ces années m’ont permis d’apprivoiser un peu cet univers marin tellement dense et de consolider notre couple de mer. Aussi, bien enfouis au creux de mon bagage, je portais un esprit aventureux, un intarissable goût de l’eau et une curiosité de nomade inspirée par le sac du facteur dans lequel, à l’âge de trois ans, je rêvais d’embarquer.

Avant d’amorcer la traversée, j’avais comme projet d’envoyer régulièrement à mes proches des messages sous forme de bouteilles à la mer électroniques, mais la mer n’a que faire de la régularité et mon témoignage prit une autre cadence. Voici à peu près ce que nos parents et amis reçurent en bout de ligne.

 

Première bouteille.

Après six jours passés à préparer le canot de sauvetage et le bateau, on quitte enfin les Îles-de-la-Madeleine en ce mercredi 25 juillet par gros vent.

Les Îles s’effacent peu à peu. Adieu vert. Adieu terre.

Vingt jours devant moi, devant cet espace et tout ce temps. Voilà mon premier défi : apprivoiser temps et espace, le temps surtout. Couler dans cette durée, m’y laisser porter, bercer. Apprécier ce que je vis, m’abandonner quoi!

Mon estomac essaie de s’amariner. J’expérimente l’homéopathie, les bracelets d’acupuncture.  Ça marche à peu près.

On installe nos quarts. Je suis de garde de 22h00 à 2h00. J’aime la nuit en mer, mais j’ai souvent sommeil vers minuit et manque de vigilance. Aussi parfois, par grande fatigue, la nuit m’invente des images troublantes. Après deux jours, je change mon quart pour veiller de 2h00 à 6h00. Je peux ainsi voir le coucher de soleil avant de dormir, puis assister ensuite au lever de Vénus et du soleil. J’aime cette routine.

Le lever de Vénus me fait toujours réagir; elle brille tellement que je la confonds avec un éventuel feu de navire. Peu après la sortie de Vénus, lentement le ciel pâlit, graduellement les ténèbres s’évanouissent, tout se colore et le soleil, tel un gros spot cinglant et majestueux, émerge de notre nuit. J’aime ce quart de 2 à 6 heures car je vais vers de plus en plus de lumière. Je peux apprécier un bout de nuit avec le spectacle du ciel étoilé et de la lune engrossée un peu plus chaque nuit.

Bizarrement, il est plaisant de se faire réveiller la nuit; c’est magique comme jadis à Noël. Et me réveiller après mon somme de fin de nuit en humant le café, est aussi fort agréable. Ces rituels m’aident à m’ancrer sur ce bateau.

De nuit, je vois le phare de Cape North au Cap Breton. Notre prochaine terre en vue est l’Île Saint-Pierre de Saint-Pierre et Miquelon. Nous sommes en France pendant quelques heures. Tout va bien. La terre attend, là, au bout de l’horizon. On continue.

 

Deuxième bouteille

Tous les jours à 11h00 TU, je vis mon moment préféré. C’est l’heure de la communication par radioamateur avec le réseau du capitaine qui nous donne des nouvelles et surtout la météo. On échange des informations. On se sent près de vous tous. Yves veut en savoir plus sur le e-mail par radio; il a essayé d’envoyer des messages mais ça ne marche toujours pas. Demain donc.

Nous longeons la côte de Terre-Neuve. Notre prochaine marque terrestre est Cape Race. Nous sommes à 20 milles des côtes. Yves distingue le contour de la terre mais moi je ne vois rien. Je me sens comme une analphabète, savoir lire l’horizon est important. Faudra que je m’y mette.

Après Cape Race, on s’élance vers le grand large. Fini le spectre de la terre. Nous sommes en mer depuis quatre jours. Notre prochain point est l’Irlande, 1662 milles. Quelle route!

Je suis un peu fébrile. Je dors peu et travaille toujours à construire ma routine. Je manque de repères; tout est si vaste, et le temps et l’espace. Être face à l’infini c’est comme être face à l’éternité, ça me laisse un goût amer et ça me perd. Je voudrais m’accrocher mais je ne sais où et comment. Je tourne en rond.  Je commence à méditer. 

 

J’aime nous voir cheminer, dévaler la carte. J’aime voir la terre qui file. Pointer notre position est une activité agréable de la journée. Nous sommes bel et bien en mouvement! La longitude est encourageante.

Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas manqué de vent même s’il n’était pas des plus portants.

Traverser les bancs de Terre-Neuve me semble interminable. La mer est méchante, sacrante. Mon corps est toujours aux aguets, en action, je ne cesse de me cogner. Aussi, il fait froid, l’eau est glaciale et voilà que le brouillard s’amène.

Ce matin à 11h00 TU, notre émetteur est tombé en panne pendant qu’Yves parlait. Pierre Décarie était inquiet. Il craignait qu’on ait frappé un glacier ou une baleine... Pas possible de réparer l’émetteur. On ne peut plus communiquer, je ne peux envoyer mes bouteilles. Nous voilà encore plus seuls.

Mais je ne crains pas la solitude. Seule, je le suis encore plus lorsque je fais mon quart du soleil couchant en savourant mon thé dans le cockpit. Encore plus seule et bien, comme une mise en abîme de ma solitude.

 

Troisième bouteille

Le changement de quart de 6 heures est un délice. Je quitte la responsabilité qui incombe au veilleur (je ne me sens pas très compétente ) et je glisse dans les bras doux, chauds et accueillants de mon homme. Il me réchauffe et me calme. Il reprend la veille et je sais que tout sera pour le mieux, sauf ma crainte qu’il ne passe par-dessus bord. Je me réveille souvent pour savoir où il est, ce qu’il fait et je répète à chaque fois: «  Yvetaud, attache-toi » Et je vais le répéter, le répéter. 

L’idée de le voir englouti par la mer me hante et c’est intenable. Que ferais-je sans mon homme? Que ferais-je sans mon homme seule sur ce bateau?  Je suis sans réponse. Yves ne tombe pas à la mer, c’est mon mantra, ma bouée.

Je suis de quart au coucher du soleil en train de siroter mon thé lorsque je vois une ombre se dessiner dans le brouillard. Je ne suis pas certaine de bien voir, je scrute. Yves se lève et nous confirmons. L’ombre est immobile à quatre milles. Plus tard, l’ombre s’illumine de mille feux comme une ville. Il s’agit sans doute de la plate-forme Ibéria, que n’indique pas notre trop vieille carte. Après, c’est la nuit noire et profonde.

Yves persiste à essayer de réparer notre émetteur mais sans succès. Il faut abandonner cette idée.

Le radar nous signale un navire. Par VHF, on communique avec le capitaine qui accepte de transmettre un message à la garde côtière pour rassurer les radioamateurs, leur expliquant notre situation. C’est un bateau finlandais qui se rend aux États-Unis.

Un matin au réveil, je sens un air différent, plus doux. La brume est tombée ainsi que le vent, et l’eau est plus chaude. Je crois qu’on vient d’atteindre le Gulf-Stream.

La mer est calme et je l’apprécie car après les bancs de Terre-Neuve, j’en avais marre d’être ballottée. Mais on avance peu, nous n’avons parcouru que 50 milles aujourd’hui. Je pense à nos réserves d’eau , va-t-il falloir nous rationner?

L’Atlantique est lisse comme un miroir, je ne croyais pas ça possible mais maintenant je sais, je sais que la mer peut s’arrêter, s’immobiliser. Belle leçon! Si l’Atlantique peut se mettre à off, il devrait en être de même pour nous, mortels.

Les voiles claquent. Le temps est long, je cherche à le tuer moi qui commençais juste à couler dedans. Après deux jours de ce calme, on a les nerfs aiguisés. On espère, appelle le vent.

Mes pensées traînent des grenailles négatives. Je vais orienter ma méditation afin de nettoyer ces cendres.

L’après-midi du deuxième jour, la mer commence à faire des vagues, très arrondies, espacées. Le baromètre descend et le vent se lève. Enfin.

Pendant la nuit, je me demande ce qui se passe. Dans ma couchette, je roule dans tous les sens, je n’ai aucune prise. Le vent est fort. Yves manoeuvre, réduit les voiles jusqu’à affaler la grand voile, il ne reste que le tourmentin, un mouchoir de poche et Jean-du-Sud marche tout de même à 6 noeuds, sa vitesse maximale.

De ma couchette, je sens l’eau juste à côté de moi. Ça frappe, ça cogne. Le bateau gîte comme si par deux fois il se couchait. Les vagues giflent tellement fort qu’on croirait frapper du solide. Je vis mon premier coup de vent. Je ne dors pas, j’écoute tout. Mon esprit s’emballe. Me voir couler, mourir seule au coeur de cette immense ombre glaciale sans possibilité de réclamer de l’aide dépasse mon imagination, ça me rend folle et je panique.

Mais cela ne se peut. Mes fils ne sont pas prêts, non plus que mon pauvre père ... et j’ai tant à faire. Je ne veux pas mourir en mer. Je dis NON, un NON fort, un NON primal.  J’appelle mes anges gardiens; ma mère, Gratien sont là.  Et Jean-du-Sud est solide; Yves un marin accompli. Donc NON. Je m’apaise.

Y’a du vent et qu’est-ce qu’on avance! Le gros temps dure quatre jours.

En soirée, on écoute le coffret de Félix Leclerc,  Heureux qui comme Félix. Nous sommes bien lovés dans la même petite couchette. C’est un bon moment. On est harmonie.

Mais que le temps est gâteux! La mer énervée, énervante.

En après-midi, malgré ce sale temps, Yves insiste pour que je mette le nez à l’extérieur. Quelle énergie il me faut pour enfiler mes vêtements de mer et m’extirper du cocon! Une fois ma ligne de vie bien nouée, je m’assois d’un côté de la plage arrière, Yves de l’autre. On regarde vraiment dans la même direction. Quel drôle de couple on fait! Seuls au milieu de l’Altlantique admirant le gros temps. C’est beau de voir ces tons sur tons;  gris, blancs, bleu-gris. Je suis fascinée devant ce défilé de montagnes d’une vingtaine de pieds qui roulent, se cassent et se renouvellent inlassablement. Yves trouve que ces vagues s’apparentent à celles des quarantièmes rugissants. Je comprends, elles sont si vivantes, dévorantes, engloutissantes. La mer sent la mort parfois. J’en vois venir une, elle est charpentée, élancée, de forme abstraite, noire, ressemblant au dos d’un immense rocher animé. Elle nous happe, nous hisse et nous relâche sur sa crête.

J’admets qu’il y ait une certaine beauté mais la mer en ce moment est faite pour les pros, ce que je ne suis pas. Moi, je suis une romantique de la mer. Je rentre dans la cabine dégoulinante. Ouais!

 

Quatrième bouteille

Le vent a molli. Je peux marcher presque librement mais j’ai les jambes qui tremblent.

La vie redevient normale. On réorganise le bateau qui était dans un grand désordre. Tout est humide et le restera, je le crains.

Je fais du pain pour la première fois de ma vie. Ça sent bon sur l’Atlantique. Mon pain est assez réussi.

Depuis qu’on est au large, à tous les jours on reçoit la visite de dauphins. Même pendant le coup de vent, ils venaient nous voir. Je la prends personnelle, cette visite. Je veux communiquer, leur dire la joie qu’ils me procurent, j’émets une gamme de sons, de vibrations mais, il y a comme une mer entre nous. Leurs pirouettes ressemblent à des saluts. Ce sont de bons voisins.

Un matin, il y a cette colonie de dauphins qui nous accompagne. Ils sont une centaine. Ils nagent en rang, bien droits, au même rythme, recueillis. Ils sont gros, ronds, foncés pas comme les autres dauphins. Ils ressemblent plus à des baleines.

Il tombe un peu de pluie qu’on recueille dans un bidon. Le lendemain, le soleil se pointe un brin et je me lave les cheveux pour la première fois en seize jours. Ou je lavais ou je coupais ras ras. Je n’y tenais plus.

Avant, je dormais dans la pointe du bateau mais il était impossible de me stabiliser, je roulais sans cesse. Maintenant, je dors dans le carré. Chacun a sa couchette. On s’endort sous spi escortés par le chant des baleines. Elles sont tout autour. Je les entends respirer. De la cabine, on perçoit des échos, des sons semblables à un sifflement situé entre le miaulement d’un chat et le cri d’une souris. C’est aigu. Je m’endors. 

On ne fait plus de quart. On veille dans la couchette avec compas, radar, GPS et mon indispensable; le régulateur d’allure. Ce précieux joujou nous mène fidèlement et m’affranchit, depuis que je navigue, de la corvée de barre trop souvent dévolue aux femmes. Je me sens bien, presque en sécurité. La lampe à l’huile crée une douce chaleur. Bons moments.

Je me sens reposée aujourd’hui. Je sais quel travail j’ai à faire; j’ai trouvé le filon qui va fortifier mon âme. Le temps passé au bateau s’écoule bien vite, je ne veux plus le tuer, je n’en ai plus peur. Je vais surfer sur les minutes, les heures.

 

Cinquième bouteille

Pour la dernière semaine, le vent nous attend au détour. Le cheval sent l’écurie. Les trois dernières nuits, on dort à peine 3 à 5 heures. Je suis fatiguée. Dérape un peu.  Je veux voir la TERRE.

On atterrit au petit matin dans un terrible brouillard. C’est d’abord le radar qui voit la terre. Je suis sur le devant du bateau et j’ai beau vouloir de tout mon être percevoir la côte, je ne le peux, le mur est terriblement dense. On entend bien les vagues qui se cassent sur les rochers. Le vent nous lâche juste au moment où on se trouve près des rochers. C’est au tour de Yves d’avoir la trouille. On finit par voir des ombres et des brisants. On essaie de manoeuvrer mais sans succès. On retourne au large?  On s’y risque mais sans vent et sans moteur c’est impossible; le vilain clapot vide nos voiles qui ne portent pas et le courant nous pousse dans l’entrée. On n’a pas le choix, il faut entrer. On fait confiance au radar et on finit par poser le pied à terre.

Castletown, Irlande.

On va boire une Guinness.

Céline

 

 

Notes de Yves Gélinas

Grâce à sa remorque de route, Jean-du-Sud nous avait permis de découvrir en plusieurs étés les plus intéressants terrains de jeux qu’offre la côte est américaine, mais nous désirions changer de parc.  J’optais pour la côte ouest, mais Céline a préféré l’Europe. Ce que Céline veut, je le veux aussi : après tout, l’Europe ce n’est pas mal; en plus, il y aurait le plaisir d’une traversée d’océan, avec en prime Céline qui, pendant une vingtaine de jours, ne serait jamais plus qu’à 30 pieds de moi...

Mise à contribution pour une dernière fois avant plusieurs années, la remorque et le Suburban nous permettent d’atteindre en un jour et demi Bas-Caraquet, le port le plus à l’est équipé d’un triqueballe[i].  Matage, mise à l’eau, gréement, rangement, vérifications; « shake-down[ii] » en traversant aux Îles de la Madeleine.

J’étais fier de compter 6 bateaux équipés de régulateurs d’allure Cap Horn en escale en même temps dans le port de Havre-Aubert : un bateau local, quatre autres québécois et un américain, venu du Michigan.  Il nous faut pas moins d’une semaine pour mettre Jean-du-Sud en mode traversée : paufiner l’arrimage, le réglage du gréeement, canot gonflable plié soigneusement, enfilé dans son sac et solidement ficelé sur la plage avant, moteur hors-bord rangé sous le cockpit.

Préférant garder notre temps pour l’Europe, nous ne nous arrêterons pas avant l’Irlande.  Une fois sortis du golfe, on fait route à l’est jusqu’à Virgin Rocks (à l’orée du Grand Banc), puis on suit la route orthodromique jusqu’en Irlande.  Contrairement à leur réputation, les Bancs de Terre-Neuve, nous offrent un beau soleil, puis dès qu’on les quitte, le brouillard et le temps gris s’installent, on ne reverra presque plus le soleil du reste de la traversée. Naviguant entre deux routes maritimes, l’une vers l’est, l’autre vers l’ouest, je m’attendais à voir beaucoup de navires, mais on n’en aperçoit que quelques uns.  Vent presque toujours sur l’arrière du travers, un peu de calme, trois coups de vent, portants heureusement pris sous tourmentin, avec ou sans la grand-voile à 3 ris.

J’avais hésité à apporter le vieil hydro-alternateur qui m’avait servi autour du monde.  Je me disais que le panneau solaire aidé de l’éolienne Ampair nouvellement installée me fourniraient tout l’ampérage qu’il faudrait. Bien m’a pris de le mettre à bord : sans soleil, le panneau ne produisait rien et vent portant, le rendement d’une éolienne se trouve réduit de moitié. Débitant entre 3 et 4 ampères en continu, l’hydro-alternateur nous a permis, en plus d’alimenter les feux de route et combler le reste de nos besoins électriques, de garder le radar en mode veille, s’allumant 30 secondes à toutes les dix minutes, émettant un signal sonore s’il percevait un nouvel écho dans la zone de veille.  Les quarts en ont été grandement simplifiés, avec la brume presque continuelle, il n’y avait de toute façon rien à voir sur le pont.

J’ai eu moins de chance côté communication.  Pour transmettre des courriels par radio, j’avais acheté d’occasion un modem PACTOR KAM+ et malgré l’aide généreuse de deux radioamateurs venus le brancher sur mon émetteur et configurer mon ordinateur, je n’ai pas réussi à le faire fonctionner.  Je crois que c’était à cause de l’âge de mon émetteur - celui que j’avais utilisé autour du monde - dont les relais entre l’émission et la réception n’étaient pas assez rapides.  Céline a été contrainte de transmettre ses bouteilles à la mer en bloc après notre arrivée.  Et l’émetteur qui tombe en panne après quelques jours sans que je ne puisse le remettre en route!  J’ai appris en Irlande que l’amplificateur de sortie était cuit, vraisemblablement à cause du ventilateur qui s’était débranché.

L’atterrissage à Bearhaven a été le plus scabreux de ma carrière. Céline était rassurée par la proximité de la terre, mais moi, j’ai eu une sérieuse pétoche : le coup de vent qui nous poussait vers la côte depuis deux jours tombe au calme presque plat juste au moment où le radar détecte deux échos qui semblent indiquer l’entrée du port. Au même moment, on perçoit le grondement des vagues sur la falaise.  Le vent diminue encore : tiendra-t-il jusqu’à ce qu’on ait paré les dangers?  Je décide de ne pas courir ce risque et tente de remettre le cap vers le large.  Mais les voiles, qui nous gardaient manoeuvrants au vent arrière, ne portent plus au près dans ce clapot rendu plus vilain encore par la proximité de la côte.  Pas le choix, il faut tenter l’entrée en espérant que le vent tienne... et que les deux échos radar indiquent vraiment l’entrée du port, ce qu’heureusement corrobore le GPS.  Je me botte moralement le derrière de n’avoir pas, avant de partir, embarqué le grand aviron qui me servait à manoeuvrer au temps où je naviguais sans moteur. Il ventait trop fort ces deux derniers jours et je n’ai pas osé déboulonner le fond du cockpit pour accéder au hors-bord et le monter sur sa chaise...  Heureusement, le peu de vent a tenu.  On a d’abord deviné, puis vu deux rubans blancs de brisants, l’un à gauche, l’autre à droite, s’interrompre devant nous pour indiquer l’entrée.  Puis la mer est tombée; on a continué à glisser lentement, toujours dans le brouillard, sur une eau soudain complètement plate.

On a longé la côte irlandaise pendant 10 jours jusqu’à Cork. Puis traversé la mer d’Irlande vers les Îles Scilly, ensuite la Manche de Plymouth à l’Île de Bréhat.  Un des moments forts de la croisière fut de revenir à Saint-Malo d’où j’étais parti pour mon voyage autour du monde vingt ans plus tôt presque jour pour jour, puis de remonter la Rance jusqu’à Plouër, où je m’étais préparé durant trois années.   Le progrès est passé par là : le chantier situé dans un ancien moulin à marée où  j’avais effectué tous les travaux a été converti en condominiums.  À l’époque, Jean-du-Sud était  un des seuls bateaux béquillés dans l’étang du moulin; celui-ci abrite maintenant une marina de 400 bateaux.  J’ai aussi constaté que le temps affecte les humains plus que les bateaux de plastique : les gens que j’avais fréquentés il y a vingt ans ne me reconnaissaient pas... pour affirmer ensuite que Jean-du-Sud n’avait pas vieilli!

Jean-du-Sud nous attend au port de l’Ilon, le long de la Seine, à 50 km en aval de Paris. Plan de croisière pour l’été prochain : fêter le 14 juillet amarrés au port de plaisance de Paris, place de la Bastille, puis poursuivre lentement notre navigation à travers les canaux; irons-nous vers le Sud, le canal de Bourgogne et éventuellement la Méditer-ranée?  Ou bien vers le Nord, vers la Hollande (toujours par les canaux) puis à travers la mer du Nord, vers l’Écosse, avant de mettre le cap au Sud?  Cela dépendra de Céline, moi je suis prêt à tout.

[i] En Bretagne, ce qu’on nomme ici Travel-Lift porte le joli nom de triqueballe (ou trinqueballe)  Le Robert offre cette définition : « Chariot à deux ou quatre toues employé au transport d’objets allongés et lourds ».

[ii] Le parler marin français prévoit que lorsqu’un terme étranger n’a pas d’équivalent en français, on l’emploie dans sa langue d’origine (ex. : wishbone, cunningham, jackline...).  Dans son Lexique nautique anglais-français, Pierre Biron traduit « shake-down voyage of a new ship : Baptême de mer ».  Mais shake-down cruise désigne également une courte traversée effectuée au début d’un voyage pour vérifier le gréement et le rangement.

Suite: Ma Traversée de Paris par Céline Lacerte

 
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